Ce projet de loi soulève de nombreuses problématiques. La République d'Égypte se veut démocratique et possède une religion d'État : l'islam. La principale source de législation est la charia, un système législatif dérivé des préceptes religieux islamiques, comme établi dans l'article numéro 2 de la Constitution. Religion et politique sont donc interdépendantes dans la société égyptienne. Élu président non sans contestation, l'ex-chef de l'armée Abdel Fattah Al-Sissi évoquait il y a quelques mois une volonté de « révolutionner l'islam », sous-tendant un changement de la société tout en conservant des principes islamiques traditionnels. Ce projet est en totale contradiction avec la politique prônée par les Frères musulmans lors de leur prise de pouvoir en 2011.
Le niqab, entre féminisme et religion
Les initiateurs de ce projet de loi voient dans le niqab un symbole de la montée du conservatisme religieux en Égypte. Ainsi, la régulation de son port serait une façon de diffuser un islam modéré. Les opposants perçoivent cette potentielle mesure comme une réduction des libertés individuelles. Ils vont même jusqu'à affirmer qu'interdire le port du voile intégral ferait partie d'un plan plus vaste de répression initié par le président contre les partisans des Frères Musulmans, accusés de promouvoir un islam radical et de tisser des liens avec les terroristes islamistes. L'association, créée par Hassan el-Banna en 1906, se base majoritairement sur l'idéologie prônée par l'essayiste égyptien Sayyid Qutb. Dans son œuvre Jalons sur la route de l'islam, ce dernier affirme que « l’islam présente à l’humanité un modèle de système parfait dont elle ne trouvera rien de semblable dans aucun système. Il nous faut revenir au Coran et l’assimiler, afin de l’appliquer, de le mettre en pratique. L’islam a présenté à l’humanité la solution parfaite à toutes ses difficultés ». La politique égyptienne, conditionnée par la religion musulmane, porte les stigmates de cette alliance si délicate entre l'islam et la démocratie.
Les femmes au cœur de la religion politique
Cette recherche de la modernité passe par l'évolution de la condition des femmes au Moyen-Orient. En Tunisie, la Révolution du Jasmin de 2011 avait permis aux femmes de prendre part aux manifestations. Elles avaient accédé aux libertés fondamentales que sont la liberté d'expression, la liberté de la presse ainsi que la liberté d'association. L'année dernière, des artistes yéménites créaient une exposition photographique collective intitulée « Je suis une femme » dont le but était de dénoncer la situation dans ce pays faisant partie des moins respectueux des droits des femmes au monde. Récemment, la blogueuse égyptienne Soraya Morayef réaffirmait les propos qu'elle avait écrits deux ans auparavant : « Je me réveille chaque matin dans l'attente de me faire agresser sexuellement au Caire. Car un jour sans être sifflée comme du bétail ou tripotée comme un melon sur un étal de fruits et légumes n'existe pas dans cette ville. Même le voile ne peut me protéger de mes frères musulmans ».